Sortie de livre

Autour de ton cou, diagnostic percutant des maux du Nigéria

La romancière acclamée Chimamanda Ngozi Adichie maîtrise également l’art de la nouvelle : « Autour de ton cou » en constitue la preuve éclatante.

Autrice des magnifiques épopées romanesques « L’Autre moitié du soleil » et « Americanah« , mais aussi des manifestes « Nous sommes tous des féministes » et « Chère Ijeawele », Chimamanda Ngozi Adichie est une femme de combats et de convictions, ainsi qu’une remarquable raconteuse d’histoires. On retrouve ces deux caractéristiques dans son recueil de nouvelles « Autour de ton cou« , qui en contient douze. Ces courts récits s’avèrent d’une impressionnante densité, et abordent de très nombreux thèmes – du deuil à la filiation en passant par le déni de soi et le rêve persistant d’une Amérique chimérique, où tout irait mieux, où tous les problèmes seraient résolus, et toutes les blessures guéries. Elle n’a pas peur non plus de traiter de sujets tabous, et prend des risques importants.

En peu de pages, Adichie brosse des portraits complexes et touchants, ausculte des relations, met le doigt sur de grandes problématiques de notre temps. Si les nouvelles peuvent se révéler frustrantes – on aimerait bien souvent en savoir plus sur ces personnages seulement effleurés puis abandonnés -, elles laissent aussi bouche bée devant tant de maîtrise narrative. Aucun mot n’est de trop, les nouvelles se révèlent extrêmement bien construites, c’est du grand art.

Farouche combattante des droits des femmes, l’écrivaine nigériane imagine notamment des personnages de femmes extrêmement intéressants, et qui se soustraient à toute tentative de schématisation hâtive, et évitent les clichés. La romancière donne aux figures féminines des rôles déterminants. D’ailleurs, à part « Fantômes » dont le protagoniste est un professeur d’université à la retraite – qui cependant ne cesse de penser à son épouse décédée -, toutes les nouvelles ont comme personnage principal une femme.

Autre dénominateur commun : les personnages féminins de ces nouvelles impressionnent par leur détermination à toute épreuve. Malgré tous les écueils imaginables, elles ne renoncent pas et n’abandonnent jamais ; s’apparentant même ainsi à des sortes de super-héroïnes des temps modernes. C’est le cas, par exemple, d’Akunna dans « Autour de ton cou », mais aussi de Chinaza dans « Les Marieuses », qui ne se laisse pas abattre malgré un mariage forcé et un époux qui tente de la faire entrer dans le « moule » américain, en faisant abstraction de son identité nigériane.

Engagée et militante, Adichie se sert aussi de la fiction afin de fustiger des maux que, manifestement, elle exècre. Parmi ceux-ci, on compte évidemment la misogynie, mais aussi la fascination à outrance du modèle occidental et américain, qui peut conduire jusqu’à la négation de soi et de sa culture, l’obsession du visa, les fractures ethniques et sociales du Nigéria, mais aussi les préjugés têtus, dont l’Afrique continue à faire encore et toujours l’objet. On le voit dans une des nouvelles les plus réussies peut-être du recueil, « Jumping Monkey Hill », dans laquelle un soi-disant expert en littérature africaine de nationalité anglaise critique de manière condescendante les récits de jeunes écrivains africains débutants sous prétexte qu’ils ne donneraient pas à voir « la vraie Afrique » – que lui, apparemment, connaîtrait très bien.

Si le recueil peut inviter à l’amertume de par la gravité des thèmes abordés et la violence parfois insoutenable de certaines situations, la force de caractère de ses incroyables super-héroïnes du réel laisse cependant la porte ouverte à l’espoir.

Source

laboutiqueafricavivre.com

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